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Le raid rock des Strokes

jeudi 29 décembre 2005

Première sortie événement de 2006, le troisième album des très pros New-Yorkais a été précédé d’une bruyante tournée des clubs.

Début juillet 2001. L’île de Majorque croule déjà sous les grappes d’estivants venus quérir leur ration de cagnard. Au bord d’une piscine d’hôtel, une bande de jeunes Américains extériorise l’insouciance de ses 20 ans, entre plongeons et vannes lancées à la cantonade. Quelques heures plus tard, les membres masculins de l’escouade seront dans l’intérieur des terres, sur la scène d’un petit festival rock où ils s’efforceront d’alimenter leur renommée balbutiante.

New Musical Express, Time Out, Village Voice, Rolling Stone... Deux mois avant la sortie du premier album, The Strokes ont déjà tourneboulé la presse anglo-saxonne, sur la foi d’une chanson, The Modern Age. Personne n’aurait voulu rater l’avènement. Alors, chacun y est allé de son tombereau d’hyperboles. Ils ont le son, le physique, la pose, l’accoutrement, la hardiesse... et la pertinence.

« C’est vrai que tout s’accélère en ce moment et nous avons conscience du fait qu’il se passe quelque chose autour des Strokes, commentent-ils alors. Mais nous savons aussi qu’il nous reste tout à prouver. Le chemin est long... Et l’avenir nous appartient. » Nul ne songerait à les contredire. Bénis des dieux rock, les cinq musiciens se situent en outre à l’intersection des deux axes prioritaires qui marqueront le début musical du XXIe siècle : la floraison de la pépinière new-yorkaise et le retour séminal des groupes à guitares.

Les mêmes bouilles, quatre ans et demi plus tard. Les jeans troués conservent une cohérence, mais l’état adulte a gagné un peu de terrain : mariage pour l’un (le chanteur-auteur-compositeur, Julian Casablancas), pater’nité pour l’autre (le bassiste, Nikolai Fraiture), une touche people par ci par là (Fab Moretti, le batteur, roucoule avec l’actrice Drew Barrymore, et Nick Valensi, le guitariste, avec la starlette Amanda De Cadenet).

S’il n’est pas devenu le gisement d’or pronostiqué par certains, l’album Is This It a cependant tenu la route, suivi par son succédané Room on Fire qui, un rien timoré sous des airs fiérots, a tout juste renforcé la charpente. Avec trois millions de disques vendus dans le monde, des shows concis en progrès et une image toujours flatteuse, The Strokes méritent encore d’être choyés, dans un palace parisien où défile toute la presse française (du moins celle qui n’a pas goûté à l’excursion new-yorkaise offerte par la maison de disques). Car le groupe possède un net avantage sur la plupart de ses homologues, en matière de communication : chacun de ses membres sait saluer, parler, plaisanter, éluder, argumenter, philosopher... Ce qui permet, dans un laps de temps réduit, de multiplier par cinq les retombées médiatiques. A fortiori à une période où aucune nouveauté majeure ne sort dans le commerce (Noël se repaît de coffrets et de compilations). La voie est libre pour First Impressions of Earth, troisième album des lurons, qui va pouvoir durablement occuper le terrain.

Bracelet plastique. Autre initiative astucieuse, l’idée d’une tournée des clubs qui, un mois avant la sortie du disque, contribue à chauffer les esprits. Début décembre, joignant l’utile (planning promo) à l’agréable (bain de foule), The Strokes mènent donc un raid sur le Trabendo, dans le parc de La Villette. Question mise en scène, les 200 billets mis en vente sont accompagnés d’un bracelet en plastique qu’il faut porter au poignet (comme pour Bowie ou les Rolling Stones !).

Dans la salle, le public exulte. Caricatures de minets « négligés-chics » déguisés comme leurs idoles, le noyau dur se targue d’avoir « passé douze heures devant la Fnac » pour acheter un ticket, parle de « Julian et Nic » comme s’il s’agissait d’amis d’enfance et se révèle intarissable sur « la nouvelle paire de bottines » qu’il faut porter. Sur scène, le groupe, lui, mouille le T-shirt (à 100 dollars ?). A plusieurs reprises, Julian Casablancas remercie chaleureusement l’auditoire et tous les titres de Is This It suscitent des poussées d’adrénaline à la limite du pogo germanopratin. En soixante-quinze minutes, les New-Yorkais ont aussi l’occasion de tester les inédits, Heart in a Cage, Juicebox, Razorblade ou Red Light.

Quarante-huit heures plus tard, Julian Casablancas qui, en concert, a parfaitement intégré les gimmicks du métier de rock star ­ mélange de pugnacité et de désinvolture, de proximité et d’élévation, est un hôte courtois. Très pro, loin du naufrage bullshit d’un Pete Doherty, pour qui il n’a aucune affinité particulière, tout au plus de la « compassion ». Fils de l’un des fondateurs de l’agence de mannequins Elite, Casablancas synthétise l’esprit Strokes : belles gueules de nantis sur qui, depuis le début, pèsent des soupçons de supercherie mais qui jusqu’à présent ont su tirer leur épingle du jeu. Petits-fils du Velvet Underground capables, dans un même élan, de jongler avec l’impertinence et la simplicité, sans ciller.

La pression ? « Elle fait partie du processus créatif et il faut l’intégrer. Je ne crois pas ceux qui se disent indifférents au regard extérieur. En ce qui nous concerne, l’idée reste de faire de son mieux, de relativiser et de ne pas trop se complaire dans l’autosatisfaction. » La célébrité ? « Honnêtement, on profite des bons côtés, avec peu de contraintes, et il serait malvenu de commencer à se plaindre. »

L’amitié ? « En dix ans, nous avons bien sûr connu des hauts et des bas. Mais fondamentalement, rien n’a changé. La dynamique reste la même et si on s’engueule, c’est toujours pour des futilités, comme de savoir qui aura le fauteuil côté hublot dans l’avion. On peut aussi ne pas tomber d’accord sur l’utilité de telle ou telle séance photo, mais je n’ai pas le souvenir de la moindre altercation durant la préparation de l’album. »

Centre des préoccupations, First Impressions of Earth, le Strokes 2006, a été enregistré à Manhattan, dans le studio de répétition du groupe, avec l’aide du producteur David Kahne ­ et, minoritairement, de Gordon Raphael, qui était aux manettes des deux premiers CD. « On a décidé qu’il était temps d’essayer des choses différentes », précise Julian Casablancas, admettant avoir été vexé par l’accueil critique mitigé qu’a reçu Room on Fire. « On nous a reproché de déjà nous reposer sur nos lauriers. Alors, nous avons voulu monter d’un cran, avec un son plus ambitieux, plus d’espaces entre les instruments. »

Escarmouche. Adepte d’un travail à l’ancienne en 2001 (« A quoi bon utiliser trente micros pour capter le son d’une batterie ? Rien de tel que d’aller au plus simple »), la formation clame aujourd’hui avoir « cherché à optimiser le confort technique des studios actuels » avec, à la console, un interlocuteur « pop, potentiellement grand public », ayant déjà à son tableau de chasse The Bangles, Paul McCartney et Cher. Si les Strokes continuent de pratiquer l’escarmouche (du tubesque Heart in a Cage, aux éructations grunge de Vision of Division), ils ont aussi appris à ménager leurs effets sur cinquante-deux minutes où les cordes côtoient le doute et l’ironie, jusqu’aux prémices de la mélancolie (Ask Me Anything, Killing Lies, Red Light).

Et qu’en disent les parents ? « Je crois qu’ils aiment, mais ça reste bizarre ; au fond, je ne sais pas trop. Ils sont surtout dans leur rôle : inquiets pour l’avenir, essayant de vous influencer, se demandant si vous avez fait le bon choix. J’imagine que pour le moment ils ne sont pas trop mécontents. »

source : www.liberation.fr

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