Music Best

La chaine musicale

Accueil > Médias > Un cas Isolée dans la galaxie techno

Un cas Isolée dans la galaxie techno

mardi 14 juin 2005

Après quatre ans de silence et de spéculations sur la date et la forme de son retour, une chose est certaine : Isolée est toujours aussi isolé. We are Monster, deuxième album après Rest en 2000, ne fait que confirmer la spécificité de son écriture biscornue. Le fait (quasi exceptionnel) est qu’il a réussi à réinventer son style, tout en gardant une patte immédiatement identifiable. Et même si son succès dans le monde techno a ouvert la voix à d’autres producteurs atypiques (Joakim, Luciano...), Isolée reste unique.

Les amateurs se souviennent avec émotion du retentissement de son Beau Mot Plage hypersensible, single dont le succès international lança en 1999 le label Playhouse et la nouvelle vague techno minimale allemande. Sans doute, comme le remarque avec justesse le magazine Trax, le dernier hymne à avoir donné vie à ce fantasme désormais oublié (voire ringard) de « house nation ». Un titre impossible, beau et triste, dont la venimeuse sensualité et la forme fragmentée ont fasciné tous les styles de DJ et brièvement réconcilié les chapelles, balléarique, techno, deep house, electronica... D’Ibiza à Sheffield, on a spéculé sur son auteur. Quel est cet Allemand romantique qui signe d’un pseudonyme français au féminin ? Quel étrange animal baptise Djamel et Jamshid ou Beau Mot Plage des morceaux aussi curieux que suggestifs ?

Simple et sage. L’homme est moins mystérieux que sa musique. Longue tige déplumée au profil émacié rappelant Michael Stipe (le chanteur esthète de REM), Rajko Müller est un étudiant en langue sans histoire, s’ennuyant ferme à l’université de Francfort et parlant couramment français pour avoir suivi, enfant, ses parents coopérants en Algérie (Beau Mot Plage est le nom de la plage d’Oran où il se baignait, Djamel et Jamshid sont des copains de classe et non de backroom). Voilà à peu près toute l’histoire. Celle d’un garçon simple, sage et sympathique. Tout juste un peu plus solitaire que la moyenne. Même si cela n’explique en rien l’originalité de sa musique.

Le succès, underground et néanmoins considérable, de son tube et de l’album qui a suivi ne l’a pas changé. Il lui a juste compliqué la tâche. « J’ai d’un seul coup perdu toute innocence. » Passé « professionnel », comme on dit d’un sportif, Isolée prend conscience qu’un public l’écoute « et qu’il a des attentes ». Déstabilisé, il doute de l’intuition qui l’a guidé jusque-là. « Mon premier album était profondément intime. Après tous les changements qui se sont produits dans mon existence, je ne pouvais plus me mettre dans le même état d’esprit. Je ne suis plus ce jeune trentenaire sans petite amie qui glande à la fac sans savoir quoi faire de sa vie, et qui bricole sur un clavier par ennui. »

Il lui faudra plus de trois ans pour surmonter ses craintes et accoucher dans la douleur d’un nouvel album différent, mais tout aussi personnel que le précédent. Habitant désormais Hambourg, il compose laborieusement et jette même plusieurs maquettes à la demande de son label Playhouse, désespéré du résultat à mi-course. « Je n’ai étudié ni le solfège, ni l’informatique, il m’a fallu beaucoup de patience pour enregistrer correctement la musique que j’avais en tête. » Seule idée fixe, « que le son ait du caractère ».

Vision oblique. Le résultat, considérablement plus fin et léché que la moyenne actuelle, est toujours aussi indescriptible. Pas vraiment dansant ni strictement pop, abordable malgré ses contours aberrants, l’univers d’Isolée ne figure sur aucune carte. Disons que, contrairement à la presque totalité des disques electro du moment, il n’emprunte rien aux années 80, se payant le luxe d’avoir une vision oblique de la house.

Les ingrédients comprennent quelques guitares rockab’ près du corps (autrement plus élégantes que le hard manga des Daft Punk), de rares paroles et onomatopées incompréhensibles (Jelly Baby Fish), des rythmes en hélice, souples et torsadés. Sinon, on remarquera qu’il n’y a pas de S à Monster, comme il y a un E à Isolée. Le titre de l’album doit donc plutôt se lire : « Nous sommes un monstre. » Ce qui ne fait qu’épaissir le mystère. « J’aime être abordable et en même temps insaisissable », reconnaît Rajko Müller.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?