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Bientôt la folie AC/DC

lundi 23 février 2009

AC/DC s’apprête à débarquer à Bercy le 25 février. Thomas Burgel a eu la chance de voir le groupe Australien sur scène au Madison Square Garden de New York, en novembre dernier. Voilà ce qui vous attend.

Le jeune fluo, qui compense son flottement stylistique par une tentative de chemise à carreaux, est quand-même un peu paumé. Un concert d’AC/DC, au Madison Square Garden le 13 novembre à New York, ça le change des petits groupes folk à puces, des petites niches pop, des petits disques chez lui, dans son petit canapé, dans ses petites oreillettes. Le fluo, qui ne connaît le groupe que par quelques tubes historiques, que par quelques riffs acouphéniques, fait profil bas. Autour de la salle, du stade plutôt, un énorme truc rond posé dans Manhattan comme un petit monde perdu dans un plus gros univers, des trucks gargantuesques auxquels Johnny, quand il pense à Bercy, n’ose pas même rêver. Une armée de fans, la plupart Américains, quelques australo-pittoresques, aussi, fraîchement débarqués avec leurs chapeaux et leurs accents ruraux –les îliens ne sont bizarrement pas avinés ou noyés dans la bière, mais fumés comme des gras saumons roses.

Dans la file vite formée à l’intérieur du bidule, c’est sex, drugs, rock’n’roll, mais bien gentiment, alors, et plutôt propre sur soi. L’Amérique d’Obama, il faudra aller la visiter ailleurs : on a beau être en plein trognon de la babylonesque et élégante New York, la proportion de boucs et de moustaches semble largement dépasser la moyenne locale, les bourrelets se sont définitivement installés, la veste en jean et le t-shirt noir floqué ont encore de beaux jours devant eux, on ne note qu’un petit hispano un peu paumé au milieu de cette marée de rock un peu rosacé. Du rock à fiston, aussi : des dizaines de kids, fans des éternels venus seuls ou en famille, permettent à la moyenne d’âge de ne pas trop vouvoyer la cinquantaine. Sans doute ont-ils découvert les Australiens dans Rock Band ou Guitar Hero sur leur console de jeu : un épisode intégralement consacré au groupe est, hasard !, prévu pour les prochaines semaines. Les plus âgés vieux sont aux premiers rangs des longues queues –pressés d’être assis, sans doute, ultra-fans, certainement.

Enfin entré dans l’Arène, où jouent habituellement les Knicks ou les Rangers, le fluo hallucine encore un peu plus. Partout, mais alors partout, clignotent des cornes de démons à piles AA (fournies), voire des pintes multicolores et lumineuses de Bud –Vegas, à côté, c’est Maubeuge un soir de novembre. Tout le monde est assis, pas de fosse, pas de débordements possibles, et une bonne nouvelle pour les varices et arthrites naissantes. Des ouvreurs, en livrée, vous indiquent votre place. L’un d’eux voit notre billet et indique "all the way to the stage" ("tout droit jusqu’à la scène"), et on s’inquiète un peu –on aperçoit immédiatement deux murs circulaires d’enceintes à peu près grands comme la pleine Lune, et on remercie par avance l’inventeur des bouchons pour oreilles.
Sur scène, un décor encore inerte, et des amplis. Pas qu’un peu, et pas des nains ; on ne les compte même plus (19 exactement) et on les imagine déjà montés jusqu’à 13, quand ceux de Spinal Tap, minables, n’atteignaient que 11.
Des vendeurs passent dans les rangs d’oignon avec des caisses de Bud sur la tête -mais de la Bud Light, et ça c’est vraiment moche.
Les lumières s’éteignent un peu avant 8 heures, le stade est alors au tiers plein et débarque sur scène une première partie vite passée, vite oubliée : des clones d’AC/DC jeunes et sans décorum, vraiment pas drôles donc, suffisamment médiocres pour que l’on ne s’étende pas sur le sujet, bien qu’on les dénoncera quand même sous le nom de The Answer.

C’est pas tout ça, mais on est quand-même un peu venus pour se marrer. Et pour le rock : AC/DC, c’est les deux à la fois. Un vrai concert, et un vrai show -énormes, tous les deux. Effectivement, dès que le concert des bons vieux gars s’enflamme, au sens propre, un bon gondolage permanent peut débuter -et les fulgurances rock d’AC/DC, dans le même temps, de prouver leur belle éternité.
Un écran géant (vraiment géant), des scènes de train, des scènes de cul, des watts à étourdir l’orage permanent de Time Square, puis l’écran s’ouvre et un gigantesque (vraiment gigantesque) train en carton pâte, dans une pyrotechnie rebrousse poils, surgit sur scène. C’est Runaway Train, évidemment, le tube du dernier Black Ice, et la foule est logiquement en liesse. Les morceaux s’enchaînent, le groupe balance son énorme son sans grosse rouille ni méga fatigue, tout juste le poids des décennies jouant sur une verve parfois un poil molle.
Derrière les boys, en revanche, c’est le drame. Celui des écrans géants, l’enfer des gros plans. Un zélé dans la file nous avait prévenu, dans un admirable accès d’objectivité, qu’AC/DC avait quand même un peu vieilli -pour le fan, c’est toujours mieux avant. Et certes, Brian Johnson a quand même une sacrée sale touche : il ressemble à une espèce de Coluche bodybuildé qui n’aurait pas croisé ce putain de camion, ou qui y aurait survécu, il a l’œil torve et malade, il a la truffe en fraise et pas des bois, sil e permet même parfois un très disgracieux et pas discret grattage de couilles -mais il bouge comme un Hercules rock et s’arrache encore joliment les cordes vocales, et c’est finalement à peu près tout ce qu’on lui demande. Sur Black Jack, on voit Phil Rudd le batteur la clop au bec, comme en répèt’, en automatique, sans doute en train de penser aux traites de son quatrième Hummer. Le bassiste Cliff Williams pourrait faire doublure lumière de Véronique Samson. Malcolm a un peu verdi, mais pas dans le bon sens, semble avoir dû jouer le rôle de Gollum dans le Seigneur des Anneaux, ou alors on confond.
Angus s’en sort, lui, très bien. Il est en écolier pourpre, c’est historique, c’est folklorique. Il assure comme une bête, surjoue juste ce qu’il faut, solote sur sa 43 cordes (au moins) comme un beau diable, les doigts pas encore gourds. Mais, malheur, il perd son galurin après deux morceaux et une image terrible nous vient à l’esprit, et l’image ne nous lâchera plus, et l’image nous fait marrer mais l’image est un peu triste : de loin, Angus Young le plus très bien nommé ressemble à Didier Barbelivien. Et ça, c’est encore plus moche que la Bud Light.

Le concert s’installe tranquillement dans les acouphènes, les foules s’énervent, chauffent tranquillement, bientôt à blanc. Quand un tube arrive (Dirty Deeds Done Dirt Cheap, Thunderhurst), quand un riff atomique d’Angus vient frotter les tympans comme la fraise caresse la dent, un stade entier hurle. Quand en revanche les morceaux passionnent un peu moins, quand ce sont ceux du plutôt très bon dernier Black Ice, pas encore squatté dans les mémoires mais c’est pour bientôt, un stade entier va pisser –et là c’est l’enfer, ou le déluge, ou le déluge qui noie l’enfer.

Pendant une heure et demis, le Madison Square Garden dans son bel ensemble -ça fait du monde- se mue en un concours massif d’Air Guitar, déhanchements et enchaînements d’accords inclus –on comprend alors totalement pourquoi Guitar Hero et Rock Band font de tels cartons. Sur The Jack, Angus, ses cannes de serin et ses fameux pas de deux, entame un strip guignol qui se termine sur un beau montrage de slip –un slip AC/DC évidemment, disponible pour une poignée de dollars à la sortie.
Il y a Hells Bells, évidemment, Johnson grimpe comme un dingue à la corde de la traditionnelle giga-cloche, et l’enfer sonne plutôt cool. Sur scène, il y a des flammes, un peu partout, un peu tout le temps. Les flammes, c’est AC/DC : ça fait un peu peur, très plaisir aussi, ça fait le spectacle, pour petits et grands, ça file des petits frissons et ça superglue de grosses bananes sur les visages, ravis. Quand le train prend feu sur TNT, on est au croisement de Méliès et de Nobel -entre l’explosif et le décorum, entre le rêve et le concret. Sur Whole Lotta Rosie, c’est le plus grand et drôle n’importe quoi de l’année ; une poupée gonflable géante, obèse comme un petit immeuble, émerge sur scène derrière le groupe ; elle se touche la hum et tape du pied, et on ne peut s’empêcher de penser aux deux roadies payés pour la faire remuer. Sur Let There Be Rock, dernier morceau avant le rappel, Angus plus-très-Young est mis en avant comme il le mérite, pour ce qu’il est, un véritable héros rock, l’un des derniers. C’est le deuxième plus grand n’importe quoi de l’année : un fameux solo débuté, Young s’avance sur l’appendice prolongeant la scène comme la verge émerge du pubis, et une plateforme se soulève, par des vérins hydrauliques à l’huile de coudes, et Angus domine tout, à quelques hauts mètres du sol. Son solo se poursuit, interminable et impressionnant, 15 minutes ou presque ou on les a rêvées, la foule hurle, elle admire et a raison, car il grimace mais, dans l’effort, il est beau.

Puis c’est le rappel. Deux morceaux pour clore le spectacle, car c’est bien de cela qu’on s’agite. Un beau Highway to Hell encore tout flammes tout feu, le papier de verre toujours bien calé dans la gorge de Johnson. Puis For Those About to Rock, le fameux final au canon, une batterie, entière, qui tonne la fin de la soirée. For Those About to Rock, pour ceux qui sont prêts à mourir (d’une crise cardiaque) : tout un symbole, un résumé, une conclusion, le dessin final du cirque de gladiateur qui vient de se dérouler sous nos yeux, ébahis, épatés. Du pain et des jeux : on a eu les deux, quelques joli bleus mais les apétits parfaitement rassasiés.

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